Irlande, années 1950

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(les îles irlandaises d’Aran dans les années 1950, photo de Bill Doyle)

Il y a 15 jours, sur le marché des livres anciens et d’occasion du parc Georges Brassens, j’ai déniché une petite pépite : le Journal irlandais de Heinrich Böll. Publié en 1957, ce texte réunit les réflexions de l’écrivain allemand suite à son séjour (plusieurs mois) sur l’île en 1954.

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Il ne s’agit pas du journal d’un touriste lambda (l’Irlande ne connaissait pas le tourisme à l’époque), mais bien des impressions intimes et subtiles d’un homme qui s’attache viscéralement à l’Irlande (il y achètera une maison quelques années plus tard), pour l’aimer dans ce qu’elle a de plus banal et de plus mélancolique.

Heinrich Böll dresse ainsi le portrait sensuel, organique, âpre et souvent douloureux d’une île marquée par l’ennui, la pauvreté, imbibée d’alcool et de ferveur religieuse, mais aussi par la gentillesse et l’humilité de ses habitants, la beauté folle de ses paysages.

Touchée par la sobriété, la poésie et la tendresse de ce récit, je veux en poster quelques extraits ici. Ou comment survivre à l’Irlande en 1954 !

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Apprivoiser la solitude

Vert sauvage des collines, amas de tourbe ; oui, verte est l’Irlande, très verte, mais son vert n’est pas seulement celui des prairies,  il est aussi celui de la mousse, ici surtout, derrière Roscomon, vers Mayo, et la mousse est la plante de la résignation et de l’abandon. On abandonne l’Irlande, elle se dépeuple lentement mais régulièrement, et nous sentions l’inquiétude nous gagner ; en vain cherchions-nous à droite et à gauche de la voie ferrée un champ de légumes, un clos de pommes de terre, un carré de fraîches salades au vert moins résigné, un carré de pois au vert plus sombre. (…) Le train se vidait de façon inquiétante. Je comptais encore dix-huit personnes en tout, dont nous six. Il nous semblait que nous roulions depuis une éternité à travers ce moor et ces pentes tourbeuses ; et toujours pas de champ de légumes à l’horizon, dont la fraîcheur nous eût réconfortés. God help us !

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Aimer la pluie

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La pluie ici est absolue, grandiose, effrayante. Appeler cette pluie du mauvais temps convient aussi mal que d’appeler beau temps le soleil éclatant. (…) Il est bon d’avoir toujours à la maison des bougies, une Bible et un peu de whisky, comme on en trouve chez les marins habitués aux tempêtes, un jeu de cartes aussi, du tabac, des aiguilles à tricoter et de la laine pour les femmes, car la tempête a du souffle, la pluie a beaucoup d’eau et la nuit est longue.

Peut-être aussi Siobhan deviendra-t-elle folle subitement : quand le vent souffle pendant des semaines, quand les gens vont courbés et luttent des semaines, quand la pluie tombe sans discontinuer, quand la longue vue ne permet plus de voir les îles bleues, quand la fumée de la tourbe se traîne dans le brouillard, épaisse et amère, cela arrive quelquefois…

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Se chauffer à la tourbe

Par jour de beau temps, sur la colline nue rayée de vert et de noir, règne une animation comparable à celle d’un jour de moisson ; ici on récolte ce que des millénaires d’humidité ont fait se déposer entre les rochers, la mer et la lande verte : la tourbe, unique richesse naturelle d’un pays qui est privé de forêts depuis des siècles, qui n’a pas toujours eu son pain de chaque jour, mais presque toujours sa pluie quotidienne, si petite fût-elle. Le plus minuscule nuage amené jusqu’ici, même sur les ailes du beau temps – je ne plaisante qu’à demi -, y est pressé jusqu’à sa dernière goutte d’eau, comme seule une éponge peut l’être.

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Prendre son mal en patience

Chez ce peuple qui a tous les motifs pour ne pas rester une minute, de jour ou de nuit, sans se faire du souci, la sœur jumelle de l’expression Ca pourrait être pire est celle-ci, aussi couramment employée : I shouldn’t worry – je ne vais pas m’en faire. Il y a cent ans survint une grande famine consécutive à plusieurs années de mauvaises récoltes ; cette terrible catastrophe nationale ne fit pas que des ravages immédiats, et son influence se fait encore sentir chez les générations actuelles. (…) Le spectre de cette terrible famine continue à faire peur et fait partie de l’héritage qu’on se transmet d’une génération à l’autre.

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Faire une ribambelle d’enfants

Des écoliers de tous âges – beaucoup nu-pieds – trottaient gaiement sous la pluie d’octobre ; on les voyait venir de loin entre les haies, par les chemins boueux, innombrables, courant les uns vers les autres, s’unissant, s’agglutinant comme gouttes de pluie dans une rigole : puis la rigole devenait un ruisseau qui devenait un peu plus loin une rivière. Jeunes écoliers irlandais souvent vêtus au petit bonheur de vêtements aux rapiéçages multicolores, ils se bousculaient en riant et ceux qui ne montraient pas de la gaieté n’en paraissaient pas moins insoucieux ; ils trottaient ainsi pendant des heures sous la pluie, pour aller en classe et pour en revenir, tenant d’une main leur batte de hurling et de l’autre leurs livres attachés par une courroie. La plupart étaient vêtus pauvrement, mais presque tous avaient l’air heureux.

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Boire du thé (ou du whisky, ou du cognac)

Si le thé sur le continent a trop souvent la couleur jaune pâle d’un mandat-carte, celui de ces îles possédait lui, avant que le lait ne lui ait donné une teinte pareille à celle de la peau d’un bébé trop bien nourri, les tons sombres des icônes russes traversés de lueurs dorées ; sur le continent on sert le thé très clair, mais dans de précieuses porcelaines, ici l’on verse flegmatiquement, d’une théière de tôle cabossée, dans de grosses tasses de grès, une boisson angélique en guise de cordial, et pour un prix dérisoire.

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Découvrir un village abandonné

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(village abandonné de Slievemore)

Quand nous eûmes atteint le sommet de la montagne nous vîmes soudain, sur l’autre versant, le squelette d’un village abandonné. Personne ne nous avait rien raconté, personne ne nous avait avertis ; il y a ainsi beaucoup de villages abandonnés en Irlande. (…) Aucune trace de violence n’est visible : avec une patience infinie le temps et les éléments ont dévoré tout ce qui n’était pas de pierre ; les ossements reposent dans l’herbe et dans la mousse comme des reliques dans un écrin. Personne dans le pays n’aurait essayé de renverser un mur ou d’emporter une poutre (et pourtant le bois ici est précieux) d’une maison abandonnée. Les enfants eux-mêmes, quand ils ramènent le soir le bétail de son pâturage d’en haut vers le village abandonné, les enfants eux-mêmes n’essaient pas de démolir un mur ou l’entrée d’une maison. On laisse les parties branlantes des maisons désertes en pâture au vent, à la pluie, au soleil et au temps. (…) Nous restâmes cinq heures dans ce village et le temps passa vite parce qu’il n’arriva rien : nous effarouchâmes quelques oiseaux, un mouton sauta par l’ouverture d’une fenêtre ; étincelant, du quartz crevait la mousse par endroits. Peut-être attendions-nous seulement le retour de la jeune fille au pull-over rouge et à la hotte pleine de tourbe brune, mais la jeune fille de revint pas.

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Accueillir le vide 

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(Diamond Hill, parc national du Connemara, photo QuidamCress)

Il ne se passe pas grand-chose ici, et les actes délibérés ou concertés y sont très rares : on y boit, on y aime, on y prie et on y jure, Dieu y est passionnément aimé, et certainement aussi passionnément haï.

– Il faut que j’envoie l’argent à Dublin, me dit-il.
– L’argent, dis-je, mais pourquoi ?
– Bien sûr, dit-il, qu’est-ce que j’en ferais ici ?
Je baissai la tête. Il avait raison, qu’est-ce qu’il en ferait ?

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Prendre la route

Ici, je fus souvent tenté de dire : « la route appartient à la vache », et de fait, on expédie aussi librement le bétail au pâturage que les enfants à l’école. Il faudra longtemps en Irlande avant qu’on décide à qui appartient la route. Et que les routes ici sont belles ! Des murs, des murs, des arbres, des murs et des haies. Les pierres des murs irlandais auraient suffi à construire la tour de Babel. Les belles routes n’appartiennent pas au moteur, elles appartiennent à qui en revendique la possession, à qui a le loisir ou l’occasion d’y exercer son adresse. Beaucoup de routes appartiennent à de petits ânes. Ils sont nombreux en Irlande.

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Assimiler un autre rapport au temps

« Quand Dieu créa le temps, disent les Irlandais, il en créa suffisamment. » Et ce mot est si pertinent qu’il vaut qu’on le médite : qu’on se représente le temps comme un moyen mis à notre disposition pour l’expédition de nos affaires terrestres ; sans doute en avons-nous assez puisqu’il y a toujours « du temps perdu ». Celui qui n’a pas de temps est un monstre contre nature ; il vole du temps quelque part, il l’emploie à d’autres fins que celles, naturelles, pour lesquelles il a été créé.

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Méditer sur la beauté ancestrale des murets de pierre sèche

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(murs de pierre sèche, sans béton ni mortier, abritant une grande biodiversité, îles d’Aran en 1960, photo Bill Doyle)

La mousse teintait de vert des murs très anciens, du huitième siècle, du neuvième et des siècles suivants, et les murs du vingtième siècle ne se différenciaient pas beaucoup d’avec les plus vieux ; ils étaient comme eux couverts de mousse et lépreux.

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Pour finir cet article, voici un lien sur la tourbe en Irlande (ici), un autre sur les murs en pierre d’Irlande (ici), un dernier sur la Grande Famine d’Irlande du XIXe siècle (entre 1845 et 1852) (ici). Ci-dessous, un lagopède, habitant irlandais appréciant particulièrement les landes et les tourbières (magnifique photo de Guy Rogers) :

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Pauvre et douce Corée

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(intérieur coréen, photo de Maurice Courant)

Où que je me trouve, j’adore aller flâner en librairie. Hier, je suis donc allée baguenauder dans la très sympathique librairie du musée des arts asiatiques Guimet, où j’ai craqué pour plusieurs bouquins. Je voudrais ici vous parler de l’ouvrage Pauvre et douce Corée, que j’ai acheté et dévoré dans la foulée 🙂

Ce petit témoignage (moins de 80 pages) de l’écrivain et explorateur Georges Ducrocq (1874-1927), rédigé à la suite de son grand voyage en Asie au début du siècle dernier, s’avère être un petit bijou de poésie !

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Georges Ducrocq est tombé sous le charme de la Corée en 1901. Son récit est donc une déclaration d’amour. Et sans aller jusqu’à dire que son propos est naïf, la tendresse qu’il éprouve pour ce pays donne à son témoignage une tournure éminemment romantique. Ainsi, dans le regard de Georges Ducrocq, la pauvreté des Coréens ne les empêche pas d’être « paisibles et rêveurs ». Même quand il évoque la difficile condition des femmes coréennes ou la misère, c’est avec douceur. Ce manque de pondération n’enlève cependant rien à l’intérêt de ce texte sensuel et délicat, bien au contraire : on y apprécie pleinement la sincérité de l’auteur, la qualité littéraire et bien sûr, les mille détails qui nous permettent d’entrer dans l’intimité d’une Corée maintenant révolue.

En voici quelques extraits…

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Au début du 20e siècle, Séoul s’apparente à un immense village

Voici le portrait que Georges Ducrocq brosse de Séoul. Il s’agit des premières lignes de l’ouvrage. L’auteur, dès le début de son texte, utilise des personnifications émouvantes pour souligner la délicatesse et la beauté de ses sujets d’observation : les villes, les maisons…

Celui qui arrive à Séoul par la colline du Nam-San aperçoit, entre les arbres, un grand village aux toits de chaume. Il a d’abord peine à croire que ces cabanes enfumées soient la capitale de la Corée. Mais l’immense étendue qu’elles couvrent et la ceinture de remparts et de portes monumentales qui les enveloppe ne laisse aucun doute : Séoul est à nos pieds et c’est une paysanne qui ne paye pas de mine. Pourtant les chaumières ont un air bon enfant ; elles annoncent une grande pauvreté, mais ne sont pas tristes. Une lumière extrêmement pure et délicate baigne ce visage de pauvresse et en détaille tous les contours. Épaisses et basses, les couvertures des toits se recroquevillent au soleil comme des chattes, elles semblent couver de très douces vies familiales.

(une rue de Séoul, photo de Maurice Courant)

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Les Coréens, un peuple très différent de ses voisins

Comme j’ai pu l’apprendre en allant assister il y a quelques jours à la conférence La Longue Marche des Coréennes de Juliette Morillot, les Coréens ne ressemblent en rien aux Japonais ou aux Chinois. C’est ce que souligne également Georges Ducrocq ici :

Les Coréens n’ont pas la face grimaçante des Jaunes. Le sang des races du Nord s’est mélangé dans leurs veines au sang mongol et a produit ce beau type d’homme vigoureux, rudement charpenté, d’une taille imposante. Les yeux ne sont pas bridés ni perpétuellement enfiévrés ; le front saillant, poli et découvert ressemble au front de nos Bretons, il a les reflets joyeux d’un front celtique ;  les visages sont très barbus comme ceux des Aïnos de l’île Sakhalin et ce seul trait suffirait à distinguer un Coréen de ses voisins. L’expression naturelle des Coréens est placide, ils ont l’œil fin et rêveur, beaucoup de laisser-aller et de bonhomie dans les manières.

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Artisanat coréen

Georges Ducrocq consacre un passionnant petit chapitre à l’artisanat et aux métiers de Séoul. Il décrit ainsi les cordonniers, les quincailliers, les marchands de soieries et les marchands de chapeaux (tous les Coréens portaient alors un grand chapeau)… Le métier de menuisier était également très répandu :

Les Coréens réussissent surtout dans la menuiserie : ils s’entendent  à construire une étagère ou un coffret, bien ajusté, en bois d’ébène ou de cerisier, à lui donner un vernis rouge, laqué, ou la patine d’un jus de tabac, à l’enjoliver de charnières, de verrous, de plaques de cuivre : l’idée de cacher le trou d’une serrure sous une tortue ou un papillon ciselé est de leur invention.

(marchand ambulant, photo de Maurice Courant)

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Le papier, première industrie coréenne

La production coréenne de papier, matériau très employé dans le pays, alimentait également la Chine :

Les parcheminiers ont le plus d’ouvrage, car le papier est la première industrie coréenne : il sert à tout. Huilé, il a la solidité de la toile ; broyé, il est dur comme pierre. On en fait des cloisons, des parquets, des vitres, des boîtes à chapeaux, des corbeilles et des seaux pour puiser l’eau. Dès qu’une goutte tombe, le Coréen tire de sa poche un cornet de papier dont il se coiffe. Le meilleur abri contre le froid, c’est une bonne cape de papier. Voilà bien longtemps que la Corée excelle dans le parchemin ; autrefois, sous les empereurs lettrés du XIVe siècle qui faisaient fondre d’un coup trois cent mille caractères d’imprimerie, elle gravait sur des feuilles royales ses romans et ses poésies. Aujourd’hui l’inspiration est morte, les beaux livres sont rares, le papier sert encore aux examens, mais les compositions des candidats sont ensuite passées à l’huile et deviennent d’excellents manteaux contre la pluie. La Chine se fournit toujours de papier en Corée : il en arrive à Che-fou des bateaux pleins pour servir aux paperasseries des mandarins chinois.

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La couleur dans les vêtements coréens 

Chaque paragraphe écrit par Georges Ducrocq est empreint de poésie. Il me faut tout de même bien terminer cet article, je vais donc le faire avec l’évocation des vêtements chatoyants des femmes et des enfants coréens. En effet, tandis que les hommes s’habillaient entièrement de blanc (à l’exception de leurs grands chapeaux noirs !), les femmes et les enfants portaient des tenues très colorées…

La couleur est laissée aux jeunes gens, aux femmes et aux enfants et les préférences des Coréens vont aux couleurs tendres, au bleu de ciel, aux tons saumonés, au gris perle, aux couleurs d’œillet ou de pervenche. S’ils abordent les tons vifs, c’est avec une franchise de campagnards, portés aux couleurs qui chantent aux vert pomme, aux rougeurs de pêche, aux cerises, à l’abricot. Leurs enfants ont l’air échappés d’un champ de fleurs, au printemps, papillons multicolores qui jettent un rayon de vie au milieu de la foule toute blanche et nonchalante.

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Pour aller plus loin :

  • La maison d’édition La Découvrance, qui a édité Pauvre et douce Corée, s’est spécialisée dans les récits de voyage. En outre, le texte Pauvre et douce Corée ayant basculé dans le domaine public, il est disponible en intégralité sur Wikisource 🙂
  • Les photos qui illustrent cet article ont été réalisées par Maurice Courant, autre explorateur du début du 20e siècle. Pour ce qui nous concerne ici, Maurice Courant est l’auteur de Souvenir de Séoul, texte également entré dans le domaine public, que le site Gallica a mis à la disposition des curieux ici.

Tigres de papier

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(un tigre chahuté par des pies, période Choson)

Si vous vous intéressez à l’Asie et en particulier à la Corée, je vous incite vivement à aller découvrir la magnifique exposition Tigres de papier, cinq siècles de peinture en Corée (en l’occurrence la période Choson : 15e – 19e siècles) au musée Guimet ! Au programme, des félins, mais pas que ! L’exposition fait également la part belle aux dragons, oiseaux (dont quelques martins pêcheurs, mon oiseau préféré !), papillons, fleurs, fruits, scènes de genre (scènes de voyage, courtisanes), livres et paysages…

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Attardons-nous un instant sur les tigres…

Bizarrement, dans l’imagerie coréenne, les tigres n’ont rien d’effrayant. Avec leurs yeux ronds immenses, on dirait de très gros chats complètement hallucinés (voir ci-dessus). Seules leurs dents et leur gueule rouge permettent de les identifier comme des félins dangereux. Leurs yeux sont souvent peints avec la couleur or. Les tigres coréens sont très couramment représentés avec un oiseau, par exemple une pie qui domine et « nargue » le félin. Il y a dans ce duo improbable quelque chose d’humoristique, puisque l’oiseau représenterait le peuple et le tigre, les forces gouvernementales.

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Rouleau ou paravent ?

Les supports coréens sont principalement des rouleaux de papier et des paravents. Les rouleaux sont suspendus pour des occasions spécifiques, tandis que les paravents font partie du quotidien.

Petit aparté sur les paravents coréens, japonais et chinois : traditionnellement, le paravent chinois est en bois, tandis que les paravents coréen et japonais sont en papier et servent de cloisons (les maisons de Corée et du Japon ne possédant pas de murs porteurs). Le paravent japonais est surtout réservé à l’aristocratie tandis qu’en Corée, on le retrouve chez tout le monde et dans la vie de tous les jours, dans toutes les activités.

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Des oiseaux et des fleurs…

Le thème des fleurs et oiseaux est réservé au mobilier féminin. Les oiseaux y sont souvent représentés en couple, symbolisant ainsi l’amour heureux. La pivoine est particulièrement représentée sur le mobilier de la mariée. Le masculin est alors symbolisé par le rocher. L’alliance de la pivoine et du rocher représente ainsi l’accouplement.

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Les courtisanes, un leitmotiv dans la peinture coréenne

On reconnaît les courtisanes au fait qu’elles fument la pipe (une très longue pipe), puisque seules les courtisanes en avaient le droit. Les Coréennes en général se coiffaient d’une très longue tresse, qu’elles s’enroulaient ensuite sur la tête (le résultat est parfois très impressionnant).

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Pour aller plus loin :

  • voici un article sur l’exposition, qui propose aussi quelques photos
  • Wikipédia propose une fiche sur la période Choson

Au Pays du Matin calme, les femmes ont de la poigne

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(le hanbok, tenue traditionnelle coréenne, revu par la mode)

Jusqu’ici, mes connaissances sur la Corée étaient plus que maigres. J’exagère à peine en disant qu’elles se limitaient à un vif intérêt pour quelques films sud-coréens tels que Ivre de femmes et de peinture de Kwon-taek Im ou, dans un tout autre registre, Old Boy de Park Chan-Wook.

Mais depuis quelques mois et jusqu’au printemps 2016, c’est l’année France-Corée ! En effet, les deux pays fêtent leurs 130 ans de relations diplomatiques. Au programme, de nombreuses manifestations culturelles sont donc organisées : expositions au musée Guimet, conférences dans les bibliothèques, cycle coréen à la Cinémathèque française du 12e arrondissement de Paris, salons culturels, théâtre….

Pour le moment, cette année culturelle franco-coréenne m’a donné l’opportunité de découvrir deux belles expositions (j’en parlerai plus tard) et d’assister à une passionnante conférence intitulée La longue marche des Coréennes, donnée par la spécialiste de la Corée Juliette Morillot, à la Maison de la Chine.

Voici ce que j’ai retenu de cette conférence :

Une crevette prise entre deux baleines 

La Corée a toujours subi les invasions de la Chine et du Japon. Un proverbe y dit d’ailleurs « quand les baleines se battent, les crevettes ont le dos rompu ». En effet, la péninsule coréenne se trouve exactement entre la Chine et l’archipel nippon.

Un peuple très différent de ses voisins 

Culturellement, la Corée ressemble aussi peu à la Chine et au Japon que les Suédois ressemblent aux Espagnols et aux Portugais. Les Coréens sont démonstratifs et rient fort. La langue coréenne est plus proche du hongrois, du finlandais ou du turc (structure similaire) que du chinois. Les Coréens se distinguent également physiquement de leurs voisins : peau plus blanche, pommettes hautes, pas de paupières, type mongoloïde, individus plus grands.

La femme coréenne

Comme le prédisait le titre de la conférence, Juliette Morillot nous a principalement parlé des femmes coréennes.

Les Coréens possèdent un tempérament méditerranéen. La femme coréenne ressemble davantage à la mama italienne qu’à la discrète et soumise japonaise. Les Coréennes sont donc des femmes fortes, de poigne. L’homme coréen, quant à lui, se montre assez macho.

Avant le 15e siècle, la femme coréenne était particulièrement moderne. Elle avait ainsi le droit de divorcer si bon lui semblait, d’être propriétaire, indépendante, de monter à cheval et de tirer à l’arc. En somme, les Coréennes ont bénéficié à ce moment d’une liberté immense par rapport à la période qui suivra : la période Choson (15e – 19e siècles).

Aux 19e et 20e siècles, le statut des coréennes s’avère encore plus réduit que pendant la période Choson : après le confucianisme de la période Choson, voici venir le néo-confucianisme, particulièrement intransigeant. Les femmes ne sortent plus le jour, et quand elles doivent malgré tout mettre les pieds dehors, se couvrent (concrètement, ce sont des femmes voilées). Elles restent à la maison et brodent, peignent, ont des lectures vertueuses. Mais du coup, elles gèrent la maison, l’argent et les exploitations. Elles tiennent donc les cordons de la bourse. Elles ne sortent que la nuit, après le couvre-feu. Autre point : elles disparaissent du registre familial (et ne sont donc plus que des « femmes de »).

Ce n’est qu’en 2008 que la Corée abolit la loi qui réduisait la femme à une génitrice. Légalement, elle peut donc de nouveau hériter, être propriétaire et divorcer. L’actuel président de la Corée du Sud est bel et bien une femme (Park Geun-hye) !

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Ci-dessous, une vision fantasmée de la Corée : le pays y est présenté comme un tigre menaçant, entre la Chine au sud et le Japon à l’Est…

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Dès que le vent soufflera…

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(le trois-mâts La Boudeuse)

Depuis septembre 2015 et jusqu’à la mi-janvier 2016, à l’occasion de la COP21, le trois-mâts goélette La Boudeuse est amarré en plein Paris, au niveau du Pont de l’Alma. On peut le visiter gratuitement tous les samedis, de 10h à 18h.

Il s’agit d’un bateau d’exploration destiné à des missions scientifiques, philosophiques et humaines, par exemple en Amérique du Sud. But principal de la Boudeuse : faire des découvertes botaniques, entomologiques, géologiques. 26 personnes composent l’équipage. Le navire mesure 46 mètres de long, possède 13 voiles, et son tirant d’eau (profondeur) pas trop important lui permet de remonter certains fleuves (l’Amazone notamment).

J’ai trouvé la découverte très intéressante. De nombreux visiteurs se sont avérés être des connaisseurs. J’ai notamment appris pour quelle raison les capitaines de bateau avaient souvent un œil bandé : ils gardent un œil dans l’obscurité pour pouvoir, en cas d’urgence, acclimater immédiatement leur vue à un changement d’environnement obscurité/lumière.

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Par ailleurs, cette visite m’a donné envie de reprendre un livre trop longtemps laissé de côté : D’or, de rêves et de sang de Michel Le Bris. Michel Le Bris, écrivain français, est également le président du célèbre festival littéraire Étonnants voyageurs, qui se tient chaque année, en main, à Saint-Malo.

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Les tapisseries bucoliques de Dom Robert

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(tapisserie intitulée Les Enfants de lumière)

J’ai découvert Dom Robert en apprenant il y a quelques jours sur internet que la cathédrale Notre-Dame de Paris exposait dans sa nef, de fin 2015 à février 2016, six des plus grandes tapisseries de l’artiste.

Dom Robert (1907-1997), moine bénédictin à l’âme créatrice, est connu pour son très prolifique et talentueux travail de cartonnier : il dessinait, dans les moindres détails, ce que l’atelier de tapisserie réalisait ensuite sur le métier à tisser. Dom Robert a également produit des aquarelles et des enluminures.

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Un cœur joyeux

La beauté du monde créé par Dieu, sujet central de ses œuvres, donne à Dom Robert l’occasion de raconter les animaux du quotidien, les paysages accueillants, les fleurs des champs, les papillons et bien sûr, la joie !

Quand l’art raconte les beautés de la nature, je suis en général plus sensible aux sujets exotiques, mais il faut reconnaître que Dom Robert apporte une vraie féerie à l’univers de la basse-cour !

L’archevêque d’Albi, Monseigneur Coffy, lui écrivit un jour :

Quel dommage de n’avoir ni assez de temps ni assez d’occasions de me promener sans but dans ce monde de couleurs que vous nous offrez pour écouter le chant des fleurs, des paons et des poissons. Continuez de nous apprendre l’école buissonnière, ô bienheureux paresseux. C’est la vraie, celle que notre société qui ne connaît que la règle et la ligne droite, condamnera toujours. Parce que c’est déjà un peu l’Autre Monde en notre présent.

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(Juin)

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(Avril, douce espérance)

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Une fine observation de la nature

Les tapisseries de Dom Robert font souvent plusieurs mètres de large. On y décèle des centaines d’éléments qui témoignent de l’intérêt de l’artiste pour les beautés de la nature. Ci-dessous, quatre détails…

On reconnaît là un geai des chênes, à son dos brun rosé et à ses plumes latérales bleu vif.

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On découvre ici une mare poissonneuse, dans laquelle s’épanouissent de jolis nénuphars bleus, blancs ou roses. Des paons se promènent sur le bord du point d’eau…

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Dom Robert a représenté de nombreux papillons, dont le machaon ou le flambé. Ces douces créatures, dont les magnifiques ailes pourraient laisser penser qu’ils se cachent dans des contrées exotiques, vivent pourtant dans nos campagnes.

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Les animaux de la basse-cour, tels que les dindons et les coqs, font partie des leitmotivs de l’artiste.

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Pour aller plus loin :

  • voici un site internet consacré à Dom Robert
  • la Cité internationale de la tapisserie Aubusson, dans la Creuse, propose de découvrir des tapisseries anciennes mais également contemporaines !
  • le court roman La Dame à la Licorne de Tracy Chevalier, dont l’intrigue se déroule au Moyen-Âge, permet d’entrer dans l’intimité de la réalisation d’une tapisserie
  • le livre Les Saisons de Dom Robert, aux éditions Hazan, est une belle façon de découvrir les tapisseries de Dom Robert et plus globalement, l’art exigeant de la tapisserie. En voici la couverture :

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